Vampires (11)

Publié le par Domi

 

Il retourna à sa dégustation. Un léger soupçon d’alcool se sentait et il se demanda si cela allait affecter les prélèvements et comment entrer ce paramètre au sein de ses calculs. Il dut faire un effort de volonté pour arrêter de boire et, saisissant un flacon qu’il avait préalablement posé près de lui, pressa les traces de morsures pour faire s’écouler un peu du précieux liquide. Il reboucha le tube et lécha les deux petits trous laissées par ses canines. Sa salive avait des vertus hémostatiques et cicatricielles et en peu de temps les traces avaient disparues.


Il approcha ensuite, une sorte de miroir du visage apaisé de son cobaye, et prit les constantes de l’organisme humain. Il avait fallu des siècles aux vampires pour trouver les justes doses de prélèvements, la nourriture et les conditions de vie qui permettaient au bétail de fournir le sang le plus adapté et le plus nourrissant. Cela en les gardant en bonne santé le plus longtemps possible. Elever et développer un élevage étaient tout un art. Les premiers temps ils s’étaient heurtés à la brutalité des animaux. Ces êtres frustres étaient robustes et, s’ils ne se servaient que d’armes rudimentaires, ils ne manquaient pas d’une certaine intelligence. Il avait vu des images des premières tentatives d’adaptation.  Les créatures velues ne réagissaient au pouvoir de séduction des vampires  qu’à une courte distance et se défendaient à coups de sagaies et de pierres. Il avait fallu de multiples croisements pour aboutir à une variété pacifique, qui se réunissait près des lieux aménagés qu’on leur avait créés. Ils y trouvaient de la nourriture, des  abris et croyaient à l’existence d’une force supérieure, une sorte de divinité qui les gouvernait. Des enfants naissaient et pendant des millénaires, il n’y eut plus besoin de chasser. Les banques alimentaires se chargeaient des prélèvements de sang. Chaque nuit les saigneurs professionnels remplissaient les cuves grâce au dispositif automatique mis au point par Viktor lui-même ! Une invention dont il n’était pas peu fier. Les aiguilles descendaient du plafond des abris au dessus des donneurs potentiels, ceux que la machine avait désignés comme les plus aptes. L’urine du bétail, sa température, ses selles étaient quotidiennement analysées. Les fermiers géraient les élevages, les animaux malades étaient isolés, les plus fragiles éliminés, les bonnes reproductrices fécondées par les mâles sélectionnés. Oui, tout cela avait représenté un réel progrès et avait permis au peuple de se consacrer à l’étude, aux arts, à la musique… Aujourd’hui Viktor était conscient que cela avait aussi eu des côtés pervers. Les vampires avaient découverts qu’ils étaient vulnérables.


L’apparition de la maladie au sein des troupeaux, avait bouleversé la société toute entière. Il était très difficile de tuer un vampire,  ni les chapelets de gousses d’ail, ni  les crucifix et encore moins les croix n’y parvenaient ! Cela appartenait au folklore des légendes humaines ! Les pieux dans le cœur étaient par contre forts efficaces si l’on arrivait cependant  à immobiliser assez longtemps pour le transpercer un être qu’aucun homme ne pouvait battre à la lutte ! Les vampires vivaient de longs siècles, voir des millénaires, insensibles aux maladies. Une profonde dépression parfois envahissait les plus vieux d’entre eux et les forçait à mettre fin à leur si longue existence. Ils choisissaient alors de remonter à la surface et s’exposaient à l’astre solaire qui les réduisait en cendre.


Mais aujourd’hui  ils découvraient qu’ils n’étaient pas immortels. Les plus jeunes, les plus vulnérables, avaient succombé en quelques jours. Ils avaient été contaminés par du sang infecté et s’étaient desséchés sans qu’aucun traitement ne puisse les sauver.  Viktor avait étudié ces morts que l’on aurait cru momifiés. Plus aucune substance, une peau et des os, et sur les lèvres un rictus de souffrance. Il avait entendu les longs cris d’agonies de ces suppliciés qui sentaient leur propre corps les broyer. Non, plus rien ne serait comme avant. Sa société se mourait et il n’avait que peu d’espoir dans ce qu’il accomplissait ici. Il reprit son matériel, referma sa trousse et leva les yeux pour vérifier qu’il ne laissait rien derrière lui. C’est alors qu’il croisa le regard de la femme qu’il venait de saigner. Elle le fixait calmement, sa main se leva du lit et vint lui caresser la joue. Il n’osait pas bouger. Elle murmura son nom et replongea dans le sommeil.  Il devait réfléchir au risque qu’elle se souvienne de cet épisode à son réveil. Il retourna ses paupières pour étudier à l’aide d’une lampe électrique ses pupilles. Elle dormait profondément. Cela n’avait été qu’un rêve et il choisit de ne pas alerter les gardiens et encore moins les évanesceurs. Ils sonneraient la fin de ses expérimentations, et ce dès  le premier jour de sa mission, détruiraient les souvenirs de Philomène et de tout le quartier en prime et, si cela ne suffisaient pas, la tueraient !


Son orgueil lui interdisait de se déclarer vaincu au moindre obstacle. Que ferait Golfan dans ces circonstances ? Il ferait face, surveillerait son donneur et au besoin la convaincrait de son erreur.


 Sur un dernier regard vers la belle endormie, il se désintégra et disparut de la chambre.

 

 

 

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