Journée de merde (histoire de vampires12)

Publié le par Domi

Comme tous les matins, elle avait été en retard. Comme tous les matins, elle avait jonglée entre plusieurs options : prendre un petit déjeuner ou une douche, repasser son chemisier ou cirer ses chaussures. La course habituelle des éternelles retardataires !


Ce n’est qu’à la pause de midi, attablée avec son amie Charlène au petit café du coin où elles avaient leurs habitudes, qu’elle put revenir sur le rêve érotique qui avait peuplé sa nuit. Il l’avait mis en scène avec son bel indifférent et, ô combien exaspérant, nouveau voisin. Elle retrouvait les images au fur et à mesure qu’elle racontait son souvenir. Ce baiser long et sensuel le long de son cou qui, seul, avait déclenché des vagues voluptueuses, un orgasme qui l’avait trouvé au matin alanguie et comblée ! Il n’y avait pas meilleur public qu’une copine pour ce genre de confidences ! Elle appréciait et riait aux descriptions osées, aux remarques au vitriol et à l’humour très second degré de la pauvre Phil.


            -T’es grave en manque ma petite Philomène ! Ce type dont tu me rabâches depuis deux jours qu’il n’est qu’un malotru, un sauveur de demoiselle en détresse mal embouché, et je te passe tous les adjectifs que tu as utilisé, maintenant tu rêves de coucher avec lui ? Je me souviens très bien de ton coup de fil d’hier soir et, même si tu semblais assez alcoolisée tu n’arrêtais pas de geindre !.....Mais non ....Attends….Laisse-moi réfléchir…. C’est plutôt que… En fait…. J’ai compris ! Tu en pinces pour lui ! Oui ! C’est ça !


Charlène essayait de parler tout en échappant aux griffes roses de Phil et à ses tentatives d’étouffement amical. Celle-ci éclata de rire ! Elle et ce pisse froid de Viktor ? Mais son amie ne pouvait s’empêcher de remarquer que ses yeux brillaient d’un éclat particulier et qu’elle souriait aux anges en se remémorant cette expérience. Elle se délecta de la suite du récit :


            -Tu vois, cela me semblait si réel qu’à mon réveil je n’ai pu m’empêcher de tourner la tête pour vérifier s’il n’était pas couché à mes côtés. Je croyais sentir sa présence. En fermant les yeux je le revoyais penché sur moi. Je retrouvais ce regard profond et réfléchi et ces longues canines qui pointaient et dépassaient de ses lèvres rougies par mon sang…..Mais qu’est-ce-que je raconte ? Non, mais tu m’entends ? Je dois être plus fatiguée que je le croyais. Un rêve ? Plutôt un ersatz des romans d’Anne Rice ! Je suis en train de tourner ça en cauchemar ! Il faut que j’arrête les boissons alcoolisées avant le coucher. Non mais tu le crois ? Tu as peut être raison, mon subconscient est tombé amoureux ! Mais moi vivante, je peux te jurer que ça n’arrivera pas !


Vite, vite, elles reprirent leurs sacs, réglèrent l’addition et s’enfuirent en courant vers le bureau où les attendaient le calme pour Charlène et les remarques acerbes du cerbère qui gouvernait son département pour Philomène. Une dernière embrassade et c’est en soupirant qu’elle regarda son amie se diriger vers les ascenseurs et les étages réservés à la direction. Cela avait quand même du bon d’être la fille du patron !


Elle subit cet après midi de travail comme une longue punition. Elle passa le plus clair de son temps en compagnie de son amie la photocopieuse qui avait décidé de faire grève. Rien n’y faisait, ni les cajoleries, ni les coups de pieds vicieux, ni les tentatives de compréhension qui laissait Philomène penchée sur les entrailles de la bête à la recherche de la panne perdue ! Il lui fallut attendre le technicien de maintenance, lui passer ses outils, lui offrir un café pour le remercier de la promptitude de son intervention pour enfin pouvoir quitter ce repère de dangereux psychopathes du travail. Un dernier sourire faux cul à la chère Suzy, un souhait de bonne soirée (crève grosse truie !) et le premier pas sur le trottoir de la liberté ! Elle avait espéré profiter des largesses de Charlène et, accessoirement, de celles de son chauffeur pour ne pas subir un retour dans le métro, surtout, elle devait se l’avouer, le cheminement final le long de sa rue. Elle n’était pas peureuse mais se retrouver de nuit sur les lieux de son agression de la veille cela ne la réjouissait pas !


-Allez zou cocotte !


Elle n’allait pas se laisser déstabiliser par deux petits cons ! Des vols il y en avait tous les jours. Elle ne leur offrirait pas le plaisir de l’avoir transformé en parano. Et c’est d’un pas alerte et le menton haut et fier qu’elle s’engouffra dans la bouche de métro.


Dix stations plus tard, elle ne sentait plus ses pieds. Un effet secondaire inattendu était la disparition de sa peur ! Elle souffrait. La faute à ses débuts de journée de bourge, voiture et chauffeur ! Elle oubliait que le retour lui ferait regagner le clan des prolétaires, des pauvres bagnards des bas fonds parisiens ! Elle se la pétait le matin en escarpins et maudissait son choix le soir venu. La coquetterie la tuerait !


Ce n’est qu’à la sortie de la rame qu’elle remarqua que son voisin était là. Il descendit après elle et c’est en silence qu’ils remontèrent les escaliers pour aboutir à l’air libre. Il voulait jouer à ce petit jeu ?  Pas de problème, elle l’ignorerait royalement jusqu’à leur immeuble. Mais au moment où ils furent seuls, il engagea la conversation.


            -Bonsoir Mademoiselle Philomène.

            -Bonsoir Viktor. Bon dieu que ce type était snob ! Elle n’ajouta rien, pas question d’aider ce goujat, ce malotru, ce bachibouzouk qui l’avait laissé à sa porte hier soir avec ses remerciements et ses cookies !

            -Vous finissez tard ce soir ?

            -Beaucoup de travail……Vous savez ce que c’est ….

            -Je vous accompagne, que vous ne fassiez pas à nouveau de mauvaises rencontres.

            -Je vous remercie mais je ne risque rien. Ne prenez pas cette peine. Je suis une grande fille, Viktor ! Tout cela proféré sur un ton amical voir condescendant, alors qu’en son for intérieur elle tremblait de remonter cette rue seule. Plutôt crever que de l’avouer à ce…ce....elle manquait d’adjectif !


Ils cheminèrent sans plus échanger une parole, ce qui les arrangeait tous les deux. Phil lançait des coups d’œil à  son voisin sans pouvoir s’empêcher de noter sa tenue, un blouson en cuir vieilli qui mettait en valeur sa haute silhouette…. Et ce jean noir fuselait juste comme il faut ses longues jambes….ce type était beau à tomber, dommage qu’il soit aussi renfermé ? Buté ? Timide ? Prétentieux ? Elle n’avait pas encore décidé ! Elle était folle de le détailler de la sorte. Il allait la prendre pour une nymphomane, si ce n’était pas déjà fait depuis hier soir. La seule chose qui ne lui plaisait pas étaient ses cheveux, quelle idée de se raser le crâne aussi ras !


Viktor de son côté essayait d’évaluer l’état d’esprit de cette folle de femelle que lui avait refilé son ami Golfan. Elle ne semblait pas le craindre et les regards qu’elle lui lançait relevait plus de l’estimation poids, taille, rapport qualité-prix, un peu ce qu’il faisait quand il voulait acheter un tableau, ou un nouvel étalon pour son élevage, que de la réminiscence de souvenirs de la séance de saignée de la nuit dernière. Elle ne semblait pas trop pâle, ni déshydratée, les yeux un peu rouge cependant. Il devrait l’inviter à dîner afin d’évaluer son appétit, lui faire manger des aliments riches en fer et susceptibles de reconstituer ses réserves. Qu’il était difficile de contrôler l’alimentation de sa source de nourriture quand celle-ci était libre. Il ne put s’empêcher de soupirer après sa chère cité et ses troupeaux qui lui fournissaient tout le sang qu’il désirait de la meilleure qualité qui soit…Malheureusement c’était avant l’épidémie ! Retrouverait-il un jour sa vie douce et paisible ?

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