J'ai une petite soif ! (9)

Publié le par Domi

 

Deux heures plus tard, Viktor put enfin se déconnecter et c’est avec  toujours aussi peu d’enthousiasme,  qu’il quitta son logement pour se rendre chez Philomène.  Il  portait une trousse de prélèvements, la même que celles utilisées par tous les vétérinaires de la cité. Là où son travail allait différer de ceux de ces professionnels de la santé, c’était par le côté un peu plus rock and roll du prélèvement. Il allait devoir faire appel à ses souvenirs archaïques, ceux qu’il avait choisi d’enfouir au plus profond de lui, pour agir. Cela le stressait quelque peu. Un sentiment nouveau, qu’il redécouvrait. Il  s’en voulait de retrouver ces instincts primaires en lui, de se sentir si proche des prédateurs qui militaient pour le retour de la chasse. Ces groupements politiques qui depuis des millénaires se battaient pour que les vampires reprennent la place qui leur était du dans la chaîne alimentaire : la première !


Ils n’avaient jamais accepté cette volonté du conseil de se retirer pour vivre en paix, sous le dôme.  Leur merveilleuse cité sous marine, rêve devenu réalité grâce au génie de son peuple et qui avait demandé des siècles de travaux et des miracles de technologie. Ces agités partaient en expédition sur terre, se vantaient des exploits qu’ils y accomplissaient, de la saveur du sang des proies qu’ils saignaient, de l’adrénaline qui courait dans leurs veines et qui rehaussait le goût du breuvage ! Ils encourageaient les plus jeunes à les rejoindre, à vivre au dessus, et à ne plus suivre les volontés des anciens, ces vieux sages aux propos poussiéreux !


 Pour eux, des vampires comme Viktor étaient l’exemple même de leur dégénérescence. Comment  pouvait-il se consacrer uniquement à l’étude et aux sciences  sans jamais aller sur le terrain ? Comment pouvait-il se dire un des plus grands hématologues de la cité quand il ne s’aventurait jamais pour effectuer des prélèvements sur les nouvelles races ? Il ne faisait que commander à des chercheurs de terrain, à des mercenaires comme celui qu’il appelait son ami, Golfan, de lui ramener des échantillons tout en restant planqué dans son domaine à siroter des pichets de sang tiède provenant des cheptels de sa famille.

 

La crise actuelle était un message fort à la communauté des vampires du dôme, il était temps, selon eux, de quitter ce cocon, de redevenir des prédateurs, de revivre  à l’air libre ! Ou sinon, la maladie sonnerait le glas des  buveurs de sang. L’extinction serait inévitable et le nombre de morts parmi les plus fragiles de leurs frères et sœurs, qui ne cessait d’augmenter, était là pour en témoigner.


La révolte grondait et Viktor  représentait l’un des derniers barrages avant l’anarchie.


En entrant chez Philomène et en s’approchant de son lit, il pensait combien les humains étaient fragiles et démunis face aux chasseurs qui rôdaient à leurs portes ! Pénétrer chez eux était un jeu d’enfants, leur sommeil les rendait si vulnérables qu’il n’était même pas utile de prendre des risques en les pistant en journée, ce qui, il le reconnaissait, était une chance pour lui. 

 

Passé le seuil de l’appartement l’odeur du sang lui monta aux narines. Il prit une profonde aspiration,  en fermant les yeux, savourant ce parfum. Il sentait ses canines rétractiles qui pointaient, ses yeux, qui lui apportaient une excellente vision nocturne luisaient doucement dans le noir. Si Philomène avait pu croiser son regard à cet instant, elle aurait pu y lire la soif et reconnaitre dans sa mémoire la peur que ses semblables avaient laissé en elle.

 Il cessa de penser. Il se laissa envahir par la plénitude de ses instincts. Il ne fut plus Viktor. Il quitta son rôle de fils de grande famille, cet être trop policé par des siècles de retenue. Il  redevint  un simple et cruel vampire.

 

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