Baguettes chinoises ou à la découverte de Xinran

Publié le par Domi

Connaissez-vous Xinran ?

 

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Cette auteur chinoise est née en 1958 à Pékin. Fille d'une famille fortunée et éduquée, elle n'échappe pas à la révolution culturelle qui lui enlève ses parents, emprisonnés durant 7 ans et l'envoie dans un orphelinat militaire. Elle y passe avec son frère de difficiles années dont elle parle un peu au gré des pages de "chinoises", mêlant son expérience personnelle aux témoignages qu'elle recueille. Devenue journaliste à la station de radio de Nankin, elle lance en 1989 une émission où elle donne la parole aux femmes. Celles ci sont appelées à raconter leurs problèmes personnels, familiaux et même sexuels, une première dans ce pays. Le succès est grand et durera jusqu'en 1995.

 

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En 1997 Xinran part s'installer en Angleterre, elle y rédige "Chinoises", un témoignage rare sur la condition des femmes en Chine. Ce livre rencontre le succès. Avec beaucoup de sincérité, elle y trace un portrait souvent cruel de la condition féminine chinoise, des douleurs cachées, des viols tus, des enfants abandonnés, des enfances détruites au nom de la tradition ou au cours de la révolution culturelle. On y entend ces exclues de la vie publique qui osent enfin raconter, ces paysannes incultes et superstitieuses, engluées dans des tabous d'un autre âge.


C'est par ce livre que j'ai fait sa connaissance. Cette année elle publie "Messages de mères inconnues". L'apercevant dans une vitrine de librairie, je me suis empressée d'en faire l'acquisition. C'est un document poignant sur l'abandon et le meurtre des petites filles chinoises. La lecture de ces récits vous glace, vous entraine dans un monde moyen-âgeux où l'on jette les petits corps encore frémissants sans états d'âme apparents, où la femme qui ne donne naissance qu'à des filles est une paria, une faiseuse de bouches inutiles...

 

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L'écriture de Xinran n'est pas extraordinaire. Parfois son style est très naïf et l'on sent derrière la journaliste, une femme qui ne s'est pas complètement affranchie de son éducation chinoise, empreinte de rigueur et de morale. Elle peut parfois choquer tant ces prises de position sont loin des idéaux occidentaux, par exemple quand elle écrit :


« Aujourd'hui les Chinois réclament la démocratie, mais combien sont-ils à comprendre de quoi il s'agit ? Peut-on parler d'une vraie démocratie en Occident, avec tous ces gangs criminels, toutes ces guerres de religion sanguinaires et tous ces gouvernements qui prennent des décisions à l'encontre de la volonté de leur peuples ? Les étudiants de Tiananmen savaient-ils vraiment ce qu'ils revendiquaient ? »

 

 Mais l'on sent au travers de ses pages la sincérité d'une femme en lutte pour améliorer la condition de vie de ses compatriotes et des petites filles chinoises. Par le biais de son association "Mother's bridge of love" elle veut participer à la lutte contre la pauvreté de plus de la moitié de la population, dans un pays où des millions d'enfants n'ont pas accès à l'éducation.

 

Le dernier livre que j'ai lu d'elle est un roman "Baguettes chinoises".

 

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Un paysan a six filles, qu'il surnomme péjorativement baguettes (à opposer aux "poutres" qui est le surnom donné traditionnellement aux garçons, soutien de la famille, dans les campagnes chinoises). Il ne leur a même pas donné de prénom et on les appelle de leur numéro d'arrivée dans la fratrie. Trois d'entre elles, Trois, Cinq et Six,  vont aller gonfler le flot des migrants de la campagne, ces parias des grandes villes chinoises et rejoindre Nankin. Elles vont réussir dans cet endroit qui les effraie tant par sa démesure, à trouver un emploi et à ramener de l'argent à leurs parents, obligeant ainsi leur père à réviser son jugement sur l'utilité des filles.

 

Dans un langage clair et simple, Xinran est parvenue, en se basant sur des témoignages réels, à rendre la dureté de la vie de ces paysannes. Elle réussit l'exploit de traiter un sujet grave tout en légèreté, bien que les ajouts de fin de livre sur les véritables devenir des jeunes femmes qui ont inspiré ces personnages ne soient pas très optimistes.

 

Grâce à cette auteur, je peux dire que j'ai un peu soulevé le voile sur des existences qui m'étaient jusque là totalement étrangères. Je peux aussi, malheureusement, ajouter les chinoises à toutes ces femmes qui, par le monde, subissent un sort misérable. Je ne suis pas une militante féministe mais je ne peux que me sentir meurtrie en tant que femme devant ces êtres humains, plus de la moitié de la population mondiale, qui encore et toujours ne sont pas reconnus à l'égal des hommes.

 

Lisez Xinran. Souffrez en parcourant "Chinoises", indignez-vous en lisant "Messages de mères inconnues" et enfin souriez devant ces petites baguettes qui plient mais ne rompent pas !

 


Publié dans livres

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D
<br /> <br /> Merci encore pour cette révélation dont la présentation est très attrayante. Dan (Une poutre)<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> réponse de la baguette : merci pour tes visites !<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Bien bien ... Et oui  oui : les baguettes chinoises est un très bon petit livre, du genre de ceux qui sont intéressants à plus d'un titre : l'écriture, le récit et la culture<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> ce n'est pas le roman du siècle mais j'ai surtout été touché par la démarche de l'auteur et par son action en faveur des femmes chinoises<br /> <br /> <br /> <br />